Bien-être avec l'âge
Vieillir au féminin : pourquoi les femmes redoutent-elles davantage le temps qui passe ?
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Bien-être avec l'âge
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Vieillir, tout le monde y pense. Mais tout le monde ne le vit pas de la même manière. En France, près de deux tiers des femmes redoutent de prendre de l'âge. Un chiffre qui en dit long sur le poids des regards, des normes et des injonctions qu'elles subissent tout au long de leur vie. C'est l'un des enseignements majeurs de l'Observatoire Âge et Société, lancé par Expanscience en 2025. Cette enquête inédite donne à voir une réalité souvent tue : celle d'un vieillissement plus anxiogène pour les femmes, façonné par des diktats esthétiques, sociaux et culturels.
Pourquoi ce décalage entre les genres dans la perception de l'âge ? Quels sont les freins — mais aussi les leviers de libération — identifiés dans l'étude ? Décryptage d'un phénomène où se croisent corps, société et quête de bien-être à tous les âges.
Selon notre Observatoire Âge et Société, la perception individuelle du vieillissement se situe autour de 49 ans en moyenne pour l'ensemble des Français. C'est à cet âge que nous avons le sentiment de franchir une étape significative dans notre parcours de vie et de véritablement « prendre de l'âge ».
Cependant, une différence subtile apparaît dans l'expérience vécue : les femmes ressentent généralement plus tôt les premiers signes de l'âge. L'étude montre notamment que 33 % des femmes sont particulièrement attentives aux changements physiques (rides, cheveux blancs, modifications corporelles), contre seulement 22 % des hommes. Cette vigilance accrue traduit une sensibilité différente aux transformations corporelles liées à l'avancée en âge.
L'enquête révèle également une convergence intéressante : pour les deux sexes, l'âge idéal, celui où l'on se sent le mieux dans sa peau, se situe autour de 33 ans. Cette période de la vie est perçue comme un équilibre parfait entre jeunesse et expérience, entre vitalité et maturité.
Toutefois, à partir de 35-40 ans, les perceptions commencent à se différencier et à se genrer significativement. Les femmes ressentent davantage les modifications corporelles, le poids du regard social, ce qui les mène à une peur de vieillir notablement plus marquée que celle ressentie par les hommes. Pour eux, l'inquiétude face au vieillissement apparaît de manière plus graduelle, souvent plus tardive et est généralement liée à des préoccupations différentes comme la diminution de la masse musculaire ou les changements dans leur statut social et professionnel.
Vieillir. Un mot qui, sur le papier, semble neutre, mais qui, dans les faits, ne revêt pas la même signification selon que l’on est un homme ou une femme.
L’Observatoire Âge et Société révèle un écart significatif dans l’appréhension du vieillissement par chacun de ces deux genres : 66 % des femmes redoutent l’avancée en âge, contre 54 % des hommes. Cette différence, qui peut sembler modeste en apparence, traduit en réalité une fracture plus profonde dans notre rapport au temps.
Chez les hommes, cette peur se fait discrète, presque saisonnière. Elle surgit à certains âges, puis s’efface. Un passage à vide, un miroir qui accroche plus qu’avant, une transition professionnelle qui interroge. Puis la confiance revient, souvent consolidée par l’expérience.
Chez les femmes, en revanche, cette peur s’invite dès le début… et ne s’en va jamais vraiment. Elle s’installe, en filigrane, tout au long de la vie. Parce que le corps féminin est constamment scruté, évalué, transformé. Parce qu’il change, et parce que la société semble lui rappeler, à chaque étape, qu’il ne faut surtout pas le laisser faire.
Puberté, maternité, ménopause : autant de moments clés où le corps féminin se métamorphose. Autant de rappels que le temps passe. Et que ce temps, quand on est une femme, se vit souvent comme une course contre la montre.
Un ensemble de facteurs exerçant une pression continue sur les femmes, dont 22 % affirment être tiraillées sans cesse entre suivre et ne pas suivre ce qui est attendu d’elles par la société.
Le vieillissement, chez les femmes, est bien souvent perçu par la société comme commençant bien avant 50 ans. Il débute parfois au premier cheveu blanc, à l’apparition de cette ride du front qu’on ne parvient plus à lisser, lorsqu’on n’ose plus porter ce vêtement que l’on adore pourtant…
Là où les hommes grisonnants sont qualifiés de « charismatiques », les femmes sont plus fréquemment renvoyées à un impératif de discrétion. Comme si l'âge devait se deviner, mais pas s'afficher.
À partir de 45 ans, une femme sur trois renonce à certaines tenues, de peur qu’elles ne soient « plus de son âge ». Certaines cessent de fréquenter certains lieux, adaptent leur maquillage, leur posture, leur langage. Moins pour s’épanouir que pour « convenir ».
Pendant ce temps, les hommes — eux aussi confrontés à des injonctions, mais de nature différente — continuent souvent à évoluer avec une forme de légitimité intacte. Leur âge devient parfois même un atout. Une preuve d’expertise, de stabilité, de pouvoir.
À mesure que les années passent, les femmes sont souvent plus confrontées à des injonctions liées à leur apparence. Cheveux blancs, rides, tenue vestimentaire… autant de signes que la société encourage, de manière plus ou moins explicite, à atténuer ou à masquer.
61%
des femmes estiment que la société pousse à limiter les signes visibles du vieillissement. De plus, de 35 à 55 ans, la peur des changements physiques est quasiment deux fois plus élevée chez les femmes.
39%
des hommes estiment que la société incite à les accepter pleinement.
Chez les hommes, les injonctions prennent une autre forme : elles concernent davantage les attitudes et les trajectoires de vie. Changer de voie professionnelle, tenter un nouveau loisir ou adopter un style de vie différent passé un certain âge peut parfois susciter des remarques.
L’étude montre que les jeunes hommes de moins de 35 ans sont particulièrement exposés à des commentaires du type « ce n’est plus de ton âge ». Un paradoxe qui traduit une attente sociale de maturité rapide, comme si certaines libertés étaient réservées à la jeunesse, mais aussi rapidement conditionnées par des attentes de sérieux, de stabilité, de conformité.
Ces injonctions ne s’expriment pas toujours de manière frontale. Elles s’invitent dans les représentations, dans les habitudes, dans les regards. Et surtout, elles sont vécues différemment :
Deux types de pression, deux manières de composer avec le regard social. Mais dans les deux cas, une même réalité : le vieillissement reste encadré, balisé, parfois limité par des normes tacites — qu’il devient essentiel de questionner.
L’un des enseignements les plus marquants de l’Observatoire concerne l’évolution du rapport au vieillissement chez les femmes. Passé 45 ans, une volonté plus affirmée de s’affranchir des injonctions sociales émerge : 74 % des femmes de 45 à 55 ans déclarent vouloir vivre leur âge comme elles l’entendent, contre seulement 45 % des 35-44 ans. Des chiffres qui témoignent d’un désir croissant d’autonomie et de liberté vis-à-vis des normes, peut-être accentué par la pression plus forte ressentie à cette période de la vie.
Mais cette aspiration ne signifie pas nécessairement que les injonctions cessent d’agir : elle reflète avant tout une prise de conscience, un mouvement intérieur vers plus de bienveillance et de recentrage sur soi, qui reste à consolider dans les faits. En attestent les 52 % des plus de 45 ans qui affirment avoir déjà renoncé à faire quelque chose en raison du sentiment d’être trop vieux pour cela. La volonté est là, mais la convertir en acte est un processus qui peut s’avérer complexe.
Chez les hommes, le vieillissement est généralement perçu comme un changement à apprivoiser plutôt qu’une rupture à surmonter. Leur rapport à l’âge semble moins conflictuel : ils sont moins nombreux que les femmes à redouter de vieillir ou à ressentir le poids des injonctions sociales.
Pour beaucoup, bien vieillir passe par la préservation de certains repères — vitalité, autonomie, rôle social — plutôt que par une remise en question profonde.
Mais cela n’exclut pas un besoin de réinvention, ni une ouverture progressive à d’autres manières de vivre son âge. À mesure que les années passent, la poursuite d’objectifs personnels recule dans la hiérarchie de leurs priorités, au profit de la santé et de la volonté de vivre pleinement sa vie.
Si les trajectoires sont différentes, une aspiration commune émerge : celle de pouvoir vieillir selon ses propres règles, sans avoir à se justifier, à se cacher, ou à s’adapter à des attentes extérieures.
Pour les femmes comme pour les hommes, bien vieillir, c’est avant tout retrouver du choix, du sens, et une forme d’alignement personnel.
C’est aussi accepter que l’âge ne soit ni une menace, ni un label, mais une dimension parmi d’autres d’une vie en mouvement.
Les résultats de l’Observatoire montrent à quel point vieillir est une expérience profondément influencée par le genre.
Les femmes, davantage confrontées à des injonctions esthétiques, vivent l’âge avec une vigilance accrue dès les premiers signes de vieillissement. Les hommes, eux, sont plus souvent jugés à travers leurs choix de vie ou leur comportement, et peuvent eux aussi subir des formes de pression, plus discrètes mais bien réelles.
Au-delà de ces différences, une idée s’impose : celle d’une société où vieillir ne devrait plus être synonyme de renoncement ou de mise à l’écart, mais d’évolution, d’affirmation, voire de réinvention.
C’est tout l’intérêt de cette étude portée par Expanscience : mettre des mots et des chiffres sur des ressentis encore trop souvent invisibilisés, pour mieux comprendre, mieux accompagner et, à terme, mieux vivre l’âge à chaque étape de la vie.
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